Les analyses génétiques permettent d’établir la généalogie des pommes. Celles qui ont été réalisées sur certaines de nos variétés démontrent que le verger conservatoire de Merval détient un patrimoine génétique unique qui n’a été référencé nulle part ailleurs pour le moment.
Le travail précieux de deux pomologues
L’été dernier nous avons été contactés par Monsieur Sylvain Drocourt accompagné dans son étude par Yves Barbier (membres des Croqueurs de Pommes). Ces deux pomologues ont réalisé un travail très pointu sur la génétique des pommiers conservés sur le Domaine de Merval. Nous les en remercions
infiniment car cela vient enrichir la connaissance de notre collection et comme nous allons le voir, cela
démontre l’inestimable richesse préservée.
Le programme de génotypage
Pour reprendre la petite histoire, depuis 2014 et surtout en 2018, nous avons donné notre collection en analyse à l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement)
afin de réaliser un génotypage à grande échelle. Ce vaste programme a pu être réalisé en grande partie
avec l’aide des fonds accordés par le GEVES (Groupe d’Etude et de contrôle des Variétés Et Semences).
Nous savions alors qu’une centaine de nos variétés étaient uniques (un seul code génétique MUNQ trouvé dans la base de données) souvent parce qu’il y avait une seule analyse de faite et cela concernait en majorité des pommes à cidre. Mais depuis les travaux de M. Drocourt et M.Barbier, l’étude fine des ADN et des marqueurs permettant de les caractériser nous permet aujourd’hui d’affirmer :
Un patrimoine génétique qui n’a été référencé nulle part ailleurs pour le moment.
En l’état actuel de nos connaissances, quand aucun lien de parenté n’a été trouvé sur la base de données qui compte plus de 10.000 analyses génétiques en Europe, cela signifie que le verger conservatoire de Merval détient un patrimoine génétique qui n’a été référencé nulle part ailleurs pour le moment.
Dans cette hypothèse, les pommiers représentent un véritable puits de génétique qui est éventuellement disponible pour de nouvelles variétés. Sur Merval, il y a ainsi plus de 50 références. Parmi elles, une trentaine n’ont été référencées que sur Merval. Ce sont principalement des pommes à cidre qui répondent aux doux noms de Rouget Pestel, Doux vérêt de Beauvoir, Peau de vache Foulongne, Cézilly n°5… Ces noms ont souvent été donnés par Fernand Bazerque, créateur de ce verger conservatoire, en faisant référence aux fermes qui les détenaient.
Assez souvent, cela a permis de retrouver :
- un seul parent de la variété ou même les deux parents,
- de retrouver des espèces proches sans doute issues d’un même parent.
La fonction de terroir s’exprime pleinement avec des variétés du pays de Bray très proches.
Enfin certaines variétés ont donné naissance à une famille de variétés. Pour n’en citer que deux d’entre
elles :
L’exemple de la Bisquet
La Bisquet MUNQ 535 (que l’on retrouve parfois en doublon sur la collection) a une nombreuse
descendance.
Rien que sur Merval, nous en préservons 7 :
- MUNQ 217 Michelin appelé aussi Pomme de Maurice connue en Pays de Bray, ou Berthelot du nom de son propriétaire. Cette pomme a été obtenue par Monsieur Legrand sélectionneur “pépinier ” à côté d’Yvetot (76)
- MUNQ 2597 sous les noms de Binet amer ou Ormilcent
- MUNQ 4697 Doux vérêt cosnard repéré par Fernand Bazerque sous le nom de “argile très grise”
- MUNQ 4740 Gros bois repéré par Fernand sous le nom de “Gros Bisquet“, et effectivement plus
gros - MUNQ 6620 Néhou
- MUNQ 6649 Long gris
- MUNQ 6555 Museau ou Bec de brebis : Cette pomme était donc très répandue en Pays de
Bray. A noter que l’on retrouve deux autres descendants de Bisquet dans le verger conservatoire
du Nord Pas de Calais (CRRG).
L’exemple de Marin Onfroy
Marin Onfroy MUNQ 6559 qui est le nom d’une très ancienne variété de pomme à cidre réputée d’excellente qualité et répandue dans les départements cidriers jusqu’à la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui cette variété Marin Onfroy ne semble plus être conservée dans les collections institutionnelles (INRA, NFC, ou autres) bien que de nombreux pépiniéristes l’affichent dans leur catalogue.
Or, sur Merval, il est fort possible qu’il s’agisse bien de l’ancienne Marin Onfroy, car elle est potentiellement parent de 5 variétés diploïdes: Binet rouge bien connue, Michelin”APHN”, Panneterie
“APHN”, Rouge Leborgne”APHN” présents sur Merval . Dans sa descendance on trouve également : Pomme petit sur Merval ,”Baert n°3″ du CRRG 3, Bec d’oiseau du Pôle fruitier de Bretagne, et Attrape-Gourmand (Croqueurs de Pommes).
L’authenticité de ce Marin Onfroy est très recherchée et sera à confirmer par d’autres analyses de Marin Onfroy provenant d’autres conservatoires.
Mais qui était donc le Marin Onfroy ? C’était un gentilhomme de la fin du XV ème siècle qui a introduit dans son Bessin (Bayeux) natal, des variétés originaires de l’Espagne du Nord océanique. Il fut vraisemblablement un initiateur éclairé. Les nobles du XVIème siècle continuèrent son oeuvre, tel le sieur de Gouberville, gentilhomme du Mesnil au Val.
Une richesse agronomique et génétique à préserver coûte que coûte.
Voilà pour une petite partie, les développements connus sur la collection. Assurément le verger conservatoire est unique. Il détient une richesse incomparable notamment en pommes à cidre. En ces
temps de réchauffement climatique et d’érosion de la biodiversité sauvage ou cultivée, cette richesse agronomique et génétique doit être préservée coûte que coûte.
Encore un grand merci à nos deux pomologues qui ont pris la peine de se pencher sur la collection entretenue par l’Association du Domaine de Merval.
Hélène JOUVE, l’animatrice du verger conservatoire de Brémontier Merval.
Rencontres pomologiques
Le nombre de variétés de Pommes à cidre se compte en milliers avec bien sûr des ouvrages de références mais aussi des rencontres pomologiques dédiées. C’est ainsi qu’en décembre 2018, l’Association du Domaine de Merval a invité un groupe de pomologues afin de clarifier les incertitudes sur une centaine de variétés. Venant du Nord, de Picardie, de Bretagne, de l’Île de France et bien sûr de Normandie, les pomologues se sont penchés sur des pommes ayant le même nom et un code MUNQ dans nos différentes structures. Rien de tel que d’avoir la pomme en main pour la comparer, la décrire…
Les analyses génétiques cela sert à cela aussi. Nous sommes un réseau de passionnés qui voulons avancer.