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Osmia bicornis (Osmie rousse), espèce type du genre Osmia (Source de l'image : wikimedia)

De précieuses auxiliaires pour la pollinisation des arbres fruitiers

La France compte 1000 espèces d’abeilles sauvages classées en 6 familles. Parmi celles-ci, les osmies appartiennent à la famille des mégachilidés. Alors que 70% des abeilles sauvages sont terricoles, c’est-à-dire qu’elles construisent leur nid dans le sol, les osmies sont caulicoles, elles font généralement leur nid dans des tiges de bois creux comme le roseau, le bambou, ou les tiges de certaines ombellifères comme le fenouil. Le rayon d’action de la femelle pour construire son nid et y emmagasiner les réserves de nourriture est inférieur à 300 m. A la différence des abeilles domestiques, elles ne produisent pas de miel et ne sont jamais agressives.

Les osmies, comme la plupart des abeilles sauvages sont solitaires, elles aménagent seules leur nid. Chaque femelle pond en moyenne 6 à 10 œufs logés dans des cellules larvaires individuelles cloisonnées par une pâte à base de boue. Elle y dépose également une réserve de nourriture sous forme de boulette de pollen et nectar, qui servira au développement de la larve pendant 2 à 5 semaines. Puis un cocon est tissé et la larve évolue en abeille adulte après 15 semaines.

Au printemps, les mâles ne vivent que quelques jours tandis que les femelles vivent plusieurs semaines. Au terme de cette courte vie les abeilles meurent et laissent derrière elles leur progéniture qui se développera dans les nids pendant de longs mois jusqu’au printemps suivant.

Copulation Osmie Rousse
Copulation Osmie Rousse (Source wikimedia)

Les osmies sont très efficaces pour la pollinisation des fleurs. Les femelles ont la face ventrale de leur abdomen velue, constituant une brosse de poils très fournie qui leur permet de récolter, emmagasiner et diffuser du pollen au cours de leurs visites florales. Cette forte pilosité leur offre une meilleure résistance au froid et aux intempéries et permet un allongement de leur activité de butinage au cours de la journée (elles sortent dès 10°c contre 12°c pour les abeilles domestiques). Enfin, elles visitent pendant le même laps de temps deux à trois fois plus de fleurs que les abeilles domestiques.

Intéressons-nous à 2 espèces d’osmies communes dans la moitié nord de la France.

La première, l’osmie cornue (osmia cornuta) est ainsi nommée par la présence de 1 petite corne à l’avant de sa tête. C’est l’une des premières abeilles à émerger dès les beaux jours du mois de mars. Elle est d’une très grande utilité pour la pollinisation des fruitiers précoces et des autres végétaux hâtifs. Elle nidifie dans des tiges creuses de 8 à 10mm de diamètre intérieur. 2 à 5 femelles suffisent pour polliniser un pommier. Elle est peu farouche.

L’osmie cornue (Osmia cornuta)
L’osmie cornue (Osmia cornuta) Source Wikimédia
L'osmie rousse, Osmia bicornis,
L’osmie rousse, Osmia rufa, source Wikimedia.

La seconde, l’osmie rousse (osmia rufa) ainsi appelée pour la rousseur des poils qui tapissent son thorax, son abdomen et ses pattes. Elle nidifie dans des tiges creuses de 6 à 8 mm. Les adultes sortent du nid à la mi-avril. Elle est plus farouche que l’osmie cornue mais plus rapide en vol.

Pour accueillir les abeilles sauvages dans son jardin, il convient de ne jamais dissocier le gîte (abris pour les nids) du couvert (les ressources alimentaires), pour leur éviter de trop longs trajets entre leur nid et les plantes qu’elles visitent.

Le gîte

Les abris à abeilles sauvages sont utiles pour la pollinisation des pommiers, poiriers, cerisiers et tomates. Ils peuvent être constitués de tiges creuses de 100 à 150 mm de long et de 6 à 10 mm de diamètre intérieur placés dans un petit abri en bois fixé sur un mur exposé sud-est de préférence.

Abri à osmies
Abri à osmies occupé
Abri à osmies (tiges et rondin)
Abri à osmies (tiges et rondin percé)

Les tiges de renouée du Japon récoltées en décembre, après la chute des feuilles, constituent un excellent support. S’agissant d’une plante invasive, qui colonise les bords de routes, il convient de veiller à ne pas emporter des graines ou des racines chez soi lors de la cueillette. Les tiges sont coupées derrière un nœud pour former le fond de la galerie.

Les bûches perforées sont aussi bien adaptées mais obligent à réaliser des trous avec des forets à bois suffisamment longs. Elles ne permettent pas le nettoyage et la désinfection annuels.

Enfin les abris à tiroirs sont pratiques pour l’observation et les interventions de nettoyage mais nécessitent une défonceuse pour leur fabrication.

Abri à tiroirs pour les osmies
Abri à tiroirs pour les osmies
Tiroir à osmies bien occupé
Tiroir à osmies bien occupé

Il est recommandé de disposer plusieurs abris de taille modeste plutôt qu’un grand susceptible d’attirer davantage de parasites et ennemis naturels des abeilles sauvages.

Le couvert

La disponibilité à proximité des nids de fleurs source de nectar et de pollen est nécessaire pour les jeunes osmies dès la sortie de leur cocon puis pour la constitution des provisions des larves. Les haies d’arbustes sauvages constituent une formidable réserve de nourriture pour les abeilles en général surtout en début de saison.

Le jardinier veillera à respecter les règles suivantes pour favoriser les abeilles sauvages

  • régler la hauteur de coupe de la tondeuse à gazon à 6 ou 7 cm de façon à ne pas faucher le trèfle et le pissenlit
  • limiter les tontes à certains endroits au profit de friches à fauchage tardif
  • ne pas arracher en début et fin de saison des fleurs sauvages qui poussent spontanément dans les potagers comme le lamier, …
  • implanter une flore mellifère à base d’aromatiques et d’ornementales à fleurs simples et à floraisons étalées. Les arboriculteurs peuvent par exemple semer au pied de leurs arbres fruitiers de la phacélie, du lupin, des soucis, des zinnias, … Les jardiniers sèmeront parmi les légumes du potager de l’oseille, de l’aneth, de la bourrache … et laisserons fleurir quelques plants de poireaux, carottes, fenouil … qui serviront à la production de semences.

Les osmiculteurs

Depuis quelques années, des professionnels appelés « osmiculteurs » pratiquent l’élevage des osmies pour palier la raréfaction des abeilles sauvages dans leur milieu naturel et pour les utiliser comme auxiliaires de pollinisation des fruitiers.

Au printemps, les osmies nichent dans des tubes en carton ou des abris à tiroirs.

En hiver, les cocons sont prélevés dans ces nids, triés et désinfectés. Ils sont ensuite placés dans des « boîtes à cocons » pour être entreposés dans une cave ou un réfrigérateur. Le contrôle de la température permet d’ajuster la date d’éclosion. Les cocons sont placés dans les vergers à proximité de tubes en carton neufs ou d’abris à tiroirs nettoyés et désinfectés. Les osmies adultes sortant des cocons auront ainsi le gîte et le couvert à leur disposition. Les populations peuvent être multipliées par 2 voire 5 d’une année sur l’autre.

Cocons d'osmies rousses
Cocons d’osmies rousses

Une nouvelle récolte de cocons pourra avoir lieu au bout de quelques semaines pour préparer la prochaine saison.

Conclusion

Aider les abeilles sauvages, comme les osmies, en leur offrant le gîte et le couvert, c’est favoriser la biodiversité à l’échelle d’un jardin ou d’un verger. Vous aurez au printemps le plaisir d’observer l’activité des abeilles sauvages participant à la pollinisation des plantes et arbres à proximité.

Benoit Tardieu
Benoit Tardieu : Conférence du 16/11/2019 au château de Brémontier-Merval


Benoit TARDIEU ,

Adhérent de l’ADM