Eve et Adam l’ont il croquée ? A-t-elle été fruit de discorde ? Que s’est il passé dans le jardin des Hespérides ? Fruit défendu, empoisonné, ou premier de tous les fruits, symbole de fécondité, LE fruit par excellence ? Et Isaac, dans tout ça ? Reportage en terre de Pomme.
Adam et Eve : du grand n’importe quoi!
Soyons clairs : Pomum est le mot latin désignant le fruit. Ce n’est qu’à l’époque médiévale qu’il désignera la pomme. Or, à ce que je sache, Eve et Adam, c’était avant. Donc : à condition qu’on y croie, il y avait un paradis. Dans ce paradis, une femme (Eve) un homme (Adam) et, histoire de les enquiquiner, un serpent. Et Dieu (s’il existe) qui interdit aux premiers humains (qu’il a créés) de croquer dans les fruits. La question se pose : pourquoi Dieu a-t-il créé les fruits ? Bref, Eve aurait, sous l’influence du serpent, croqué le fruit et Adam, à son invitation en aurait fait autant. D’où la colère de Dieu (qui pourtant nous invite au pardon, quand d’autres jugent que la colère est mauvaise conseillère) qui vire Eve et Adam du Paradis. Juste une remarque : ce n’est pas une pomme qu’ils ont croquée, ou alors Dieu s’est emmêlé les pinceaux. Car si c’était une pomme, évidemment Dieu leur aurait pardonné cet écart. Et de nos jours, que de gamins chapardeurs de pommes seraient bannis du Paradis !
Salomon et le Cantique des Cantiques … Pas que du propre !
Nous voici au IVe siècle avant notre ère. Je sais, le temps passe vite. Sous la direction du roi Salomon, le cantique des cantiques fait plusieurs fois allusion à la pomme :
“Comme le pommier parmi les arbres du verger
Ainsi est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes
A son ombre désirée, je me suis assise
Et son fruit est doux à mon palais
Il m’a menée au cellier
Et la bannière qu’il dresse sur moi, c’est l’amour
Soutenez-moi avec des gâteaux de raisin
Ranimez-moi avec des pommes
Car je suis malade d’amour”
Encore un peu ? Un peu plus loin, le soupirant répondra :
“Tes seins, qu’ils soient des grappes de raisin, Le parfum de ton souffle, celui des pommes”
Nb : dans les celliers d’aujourd’hui on ne badine plus. Thermorégulés à 8°C ça refroidit un tantinet les ardeurs.
Pâris, pâtre, juge, et la pomme d’Or (donc de discorde).
Pas de chance pour lui. Sitôt né il est abandonné dans la montagne. Heureusement une ourse l’allaite. Devenant berger, le jeune pâtre est un très beau garçon. Incroyablement (normal, c’est de la mythologie) il rencontre 3 jolies déesses, Héra, Athéna et Aphrodite qui se crêpent le chignon au sujet d’une pomme d’Or qu’Éris, autre déesse avait jetée à leurs pieds. Et sur la pomme une inscription : “à la plus belle” Et les trois déesses s’en remettent au jugement de Pâris qui doit désigner la plus belle, chacune lui promettant le top du top s’il la désignait. Bref, le pâtre porte son choix sur Aphrodite en échange de l’amour d’Hélène, pourtant épouse de Ménélas, roi de Sparte -c’est d’un compliqué tout ça- Et bien entendu, ça finira dans un bain de sang. Comme quoi, tu ne jugeras pas ! Le cheval de Troie, ça ne marche qu’une fois.
Allez, on s’fait encore un grec ?
En Grèce les histoires vont bon train, en tous cas autour de la pomme. Et voilà Héraclès (Hercule) chargé, pour ses onzièmes travaux d’aller quérir quelques pommes d’or dans le jardin des Hespérides. Faisons bref : les Hespérides sont des nymphes, au nombre de 7, qui veillent sur le verger des Dieux où pousse le pommier aux pommes d’or. Elles sont aidées par un dragon doté de cent (oui, 100) têtes, rien que ça. Alors notre héros a effectivement rapporté des pommes d’or, après avoir tué le dragon et tout et tout. Mais s’il avait dû l’étêter , quel boulot…
Pomone, quittons la Grèce, bienvenue chez les Romains.
Pomone : un seul “m” ; êtes-vous choqués ? Pomone, pour les romains était la déesse des vergers et des jardins. Quoique farouche, elle aurait eu des aventures avec quelques divinités, dont Vertumne, qui avait la particularité de changer d’apparence au fil des saisons. Tantôt laboureur, tantôt moissonneur ou vigneron. Pomone ne laisse pas approcher son “jardin” alors Vertumne prend l’apparence d’une vieille femme. Dans les côtés intéressants, Pomone tient des pommes dans ses mains. Et, pomme sur le gâteau, Pomologie vient de Pomone, et est la science du fruit, et pas uniquement de la pomme.
Un petit air celtique…
Parce que la pomme est aussi une légende celtique, savez vous que le roi Arthur s’est “endormi” dans l’ile d’Avallon (Appolon ?) donc l’île aux pommiers que sa sœur Morgane gouverne avec l’aide de neuf fées qui, au moyen d’une branche de pommier cherchent à attirer dans l’île certains mortels afin de les rendre immortels ? Une table ronde s’impose.
Fruit défendu ? Empoisonné ? Et pourquoi donc ?
Défendu, pourquoi donc ? Bon, l’histoire d’Eve et Adam, c’est vu, mais pour le reste… Pas simple. Même si Victor Hugo juge le cidre “indigne du palais d’un homme normal”. Bon, il n’a pas eu de chance, Victor, lorsqu’il était en pénitence à Guernesey. Depuis les temps ont changé, et les cidres sont bons. Mais bon. Et empoisonnée ? Pourquoi donc ? L’histoire de Blanche Neige marque des générations d’enfants. mais attention : pourquoi la pomme, et pas le raisin (autre fruit emblématique et symbolique)? Tout simplement par sa couleur ; pomme rouge, attirante et tentatrice. Heureusement que le prince charmant passe par là, parce que les 7 nains… un peu démunis. Seul Simplet aurait osé embrassé Blanche Neige. Mais avant ce conte, Thomas Malory en 1485 dans ” Morte d’Arthur” fait disparaître 5 personnes par empoisonnement par pomme interposée. Toutes proposées par des femmes. Enfin, je dis ça…
Pomme, ” le chief de la gent fruitière” (Julien le Paulmier, XVIe s.)
N’en déplaise aux fervents défenseurs des autres fruits, c’est ainsi que Julien le Paulmier -le bien nommé- médecin du roi Charle IX parle de la pomme. Cependant les autres fruits ont leur place et c’est heureux. Mais mais mais, il met quand même la pomme au premier rang. Voilà !
Pomme “mâle”, Poire “femelle” étonnant non ?
Étonnant en effet. En Suisse dès le XVIe siècle dans les cantons d’Argovie et de Thurgovie, on plantait un pommier si le nouveau-né était un garçon, et un poirier s’il était une fille. Car la poire apparaît à l’époque comme un fruit plus subtil et féminin. Pourtant la pomme est intimement liée à l’histoire féminine ; mais ses rapports aux femmes sont délicats voire dangereux !
Sans la Pomme, pas de loi de gravitation. Merci Isaac…
Physicien et mathématicien, Isaac Newton remarque qu’une pomme se décrochant de son pommier tombe au sol en ligne droite. Poum ! Donc elle est attirée vers la terre. D’où sa théorie de la gravitation universelle (1687) De là à dire qu’il a reçu la pomme sur la tête au cours d’une sieste sylvestre il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. Mais relisez les magnifiques albums du regretté Gotlib, il en parle mieux que quiconque !
Le Graal absolu
Cidre et Calvados expriment la quintessence de la pomme à cidre. Des dates ? Je n’en ai point concernant le cidre. Il existe déjà chez nos ancêtres les Gaulois des boissons fermentées à base de pomme, mais la distillation arrivera bien plus tard dans nos contrées, venant d’Afrique du nord qui invente un procédé de distillation grâce à l’al lambic (jarre en terre) littéralement” le vase” prémices de nos alambics. Bon, là, nous ne sommes pas dans la mythologie, donc on en reparlera. A suivre.
Très très librement inspiré de cet ouvrage d’exception : la pomme, histoire, symbolique et cuisine, éditions sang de la terre. A lire absolument. et accessoirement des rubriques à brac de Gotlib. A relire absolument aussi.